Les mots

Les mots

Nous nous sommes rencontrés sous la plume, au sein d’une page blanche.

Les liés et déliés de nos langues respectives nous avaient fait découvrir que nos cœurs étaient à l’unisson mais nullement libres.

Tu m’as conquise par ta magie, je t’ai conquise par mon érotisme. Les mots se sont couchés, se sont enchevêtrés, et le Merveilleux nous a enveloppés dans son grand manteau mystérieux d’un amour, d’une amitié, de désirs fougueux.

Les auteurs de ces mots nous ont fait vivre de merveilleux moments, d’une profonde intensité, d’envolées passionnées vers des sons d’une mélodie si douce à nos oreilles.

Je me suis couchée sur la pureté de ce lit, et les lettres je les ai tendues vers toi, comme une bouche sensuelle pour mieux te prendre du bout des lèvres, avec cette gourmandise que tu connais. J’ai avalé les mots, l’alphabet, comme différents nectars exquis, je me suis caressée avec toutes ces ondulations qu’ils formaient.

Il y a eu les lettres, puis les mots. Les phrases ont suivi et nous ont attirés dans une danse lascive irrésistiblement l’un vers l’autre.

Tu as attiré la lettre A, celle de l’amour, et puis la lettre D, de désir, vers tes doigts habiles.

Moi j’ai cueilli la lettre A, comme toi, puis la lettre C, comme cœur, la lettre F comme folie, la lettre P, comme passion.

Nous les avons mélangées toutes ces lettres, nous nous en sommes habillés, mais elles n’ont pas suffit pour nous réchauffer des rigueurs de l’hiver, et de la flamme qui dangereusement s’approchait de la feuille.

La bougie qui brûlait près de la page était là pour éclairer les auteurs, les lettres, les mots et les phrases.

Mais devant les écrivains, les lettres ont commencé à s’entremêler, prises par des désirs soudains et inassouvis. Deux lettres A se sont fait face, se sont caressées, et se sont écroulées sur cette page prises par un tel vertige, de sensualité, de désir, et d’érotisme. Enroulées l’une dans l’autre elles n’ont plus formé qu’une seule lettre A dans l’union totale et fusionnelle.

C’est à ce moment là qu’un grand coup de vent faillit faire tomber la bougie sur la page remplie de phrases.

Finalement la plume resta en suspens au-dessus du texte inachevé, et se dirigea vers le pot d’encre, s’y plongea, pour continuer un récit qui n’a pas de fin.

Aujourd’hui l’un des auteurs n’écrira plus, son encrier personnel est tombé.

Il ne reste plus que la plume que je tiens dans la main, suspendue dans l’air, à la recherche des mots qui nous ont si souvent, fait tant de fois rêver ensemble, au-dessus de toutes les contingences de l’âme, de l’esprit et rien qu’à l’écoute du cœur.

Mais les écrits, peuvent devenir cruels devant la réalité de l’existence, qui elle ne fait pas de cadeaux, même si les mots et les phrases restent vrais, authentiques.

Les larmes coulent sur le papier, à la recherche, d’une boucle, d’un délié, ressemblant à la courbe de ton corps tant de fois imaginé, enroulé autour du mien.

L’union des lettres était une chose, mais l’esprit s’est emparé des mots et des phrases, le cœur les a accompagnés, et le tout est retourné à l’état du rêve et du fantasme, ce qui était le début de la page.

Les mots Cœur, Amour, Folie, Désir, et aussi Amitié font actuellement une grande sarabande dans le mot Vie.

Elles nous prennent réellement chacune séparément, et nous emportent vers d’autres horizons.

Toutefois, les souvenirs sont tellement beaux, respectueux, merveilleux, que la plume ne peut que se poser sur la page pour continuer seule à chanter l’amour et l’érotisme et tracer en ton nom de nouvelles notes, qui viendront s’ajouter au chant mélodieux que nous avions commencé ensemble et où l’amour pour les auteurs continuera et portera le nom : Amitié.

Alors de ma plume j’écris Amitié tu es, au nom de l’amour que je te porte. (toujours d’actualité)

© Geneviève Oppenhuis (filamots – pétale 2006 autres pseudos sous lequel cet écrit a été publié.)

Source de l’image : http://antiblouz.blog.lemonde.fr/2006/06/
Ce blog ne semble plus exister.

Avez-vous déjà vécu de ces moments appelés hasards ?

Cela se passe dans les années 1985-1990. J’ai mon ancien chef administratif et comptable qui me parle d’une session qu’il a suivie et qui s’appelle « l’illumination intensive »
Mouvance bouddhiste et réflexions dans ce domaine, au sein du lâcher-prise, de la méditation et bien d’autres éléments. Il me raconte tout cela par téléphone et me raconte son expérience.

Un peu plus tard à Bruxelles, je décide de me rendre à la Fnac dont je connaissais tous les rayons, à l’époque par coeur. 🙂
Là je me dirige au hasard. Arrive au rayon ésotérisme, spiritualité. Je prends un livre en mains totalement au hasard. J’ouvre ledit bouquin, et là, stupeur, je lis sur la page le titre : L’illumination intensive.
J’ai déposé le livre ouvert, ai repris mon souffle et me suis dit : « Mince alors, va t-il falloir que je le fasse, que je le lise ? »
J’ai bien souri à ce hasard,
feuilleté l’objet mince, pas très grand, coloré. Je suis partie.
J’ai encore fait demi-tour vers cet endroit, ai hésité à l’acheter et je me suis dit non, pas envie.

Je ne sais si j’ai eu l’occasion de le raconter à ce monsieur avec qui je suis restée en contact très longtemps même après nos cinquante ans mutuels. Nous avions vieilli, bien changés et d’excellents souvenirs de collaboration dans cette jeunesse passée. 🙂

Et vous qui lisez cet article avez-vous déjà vécu des hasards étranges, spéciaux, surnaturels, étonnants ?

Merci pour vos réponses et belle journée.

Noir

Bernieshoot sujet littéraire sur le noir. Clic sur le lien

Une grille noire qu’il suffit de franchir d’un côté ou de l’autre. Entre passé et avenir, sur le fil d’un passage, l’esprit erre. Passera, passera pas. Il reste en retrait, rumine, cogite. Un bloc de souvenirs noirs qui l’étreint, l’oppresse depuis sa naissance. La porte est ouverte et il se trouve en prison. Dans l’espace restreint d’une mémoire qui lui renvoie trop souvent de ces flashes horribles, douloureux, où il ne suffit que d’un seul coup de fil pour basculer dans ce gouffre noir qui l’attire malgré lui.

Il se croit enchaîné et sait qu’il a le droit de se détacher, c’est du moins ce qu’on lui raconte. Il connaît toutes les ficelles, pourquoi encore écouter les autres, puisque lui-même ne parvient pas à résoudre l’équation de l’oubli. Le noir il l’aborde souvent aussitôt remplacé par de belles couleurs pendant des heures et des jours. Ensuite l’esprit sombre revient comme un diable de feu voulant lui ronger les entrailles à en vomir. Maux de dos, de ventre, impotence dans l’action ne fut ce que quelques jours. Qu’est-ce que le temps pour l’univers aussi sombre que ce noir là ? Il aimerait rejoindre les étoiles là-haut et s’y mêler. Il paraît que les âmes errantes sont plus nombreuses que les autres qui s’approprient un autre univers.

Pensées furtives d’un esprit comme le juif errant « personnage légendaire dont les origines remontent à l’Europe médiévale et qui ne peut pas perdre la vie, car il a perdu la mort : il erre donc dans le monde entier et apparaît de temps en temps. » Le père faisait référence tant de fois à ce personnage. La conscience retient en souvenir ces mots. Devant les barreaux il regarde le travail merveilleux du fer, s’y attache. Le regard s’accroche et s’égare dans les volutes et les méandres des formes inventées par l’artiste. Un vrai jeu de piste pour oublier que tout a été faussé depuis le début. Il croyait être libre et dans ses nombreuses tranches de vie au fil des ans, il s’est rendu compte que le jeu n’en valait pas la chandelle. Que les soubresauts évoqués en tant que résilience, peut-être, il n’y trouve aujourd’hui aucun intérêt. Tout est trop tard. Il a tout raté.

Il n’a fait que poursuivre comme Don Quichotte des moulins à vents et chercher la quête de la liberté, son Graal. Il croyait que Merlin pouvait être son salut, il est si loin. La coupe est vide, il n’y a rien, tout est tronqué, invisible pour l’aveugle qu’il est. Aucun son ne lui parvient il est sourd. Il ne veut rien entendre, rien écouter.
Seule la musique peut le sortir d’où il se trouve et l’emporter vers la clarté. Elle le prend sur sa portée de notes et le jette au milieu de la symphonie de la nature. Là est le refuge, le seul. Il est en osmose avec la terre et lui appartient. Il y retournera c’est là le juste retour des choses. « Tu es poussière et tu redeviendras poussière« . Quoi de plus naturel en somme.

L’esprit se gausse de telles pensées qui lui viennent face à elle trop de fois. Elle a beau dire et répéter :
– Non, non, non !
Il se pourlèche de la voir se rétrécir, s’amoindrir, se recroqueviller dans sa coquille fendillée. Elle n’était pas. Elle est. Elle ne sera plus.

Geneviève Oppenhuis 28-11-2017
565 mots.

Deuxième attentat sur une brosse de balai.

Le 29 octobre dernier, je rentre chez moi, ouvre les volets mets deux pieds sur la terrasse et découvre la brosse de mon balai scié en trois.
Mais…..mais…. qu’est-ce-donc que cela, « saperlipopette » (mot utilisé en Belgique lorsque j’étais petite) ? Un mot marrant qui ressemble à salopette 😆
Cette fois ci le mode opératoire a changé. La première fois, une disparition. Une première recherche avait été entamée sans résultat. Le jour suivant prenant un autre chemin, je crois reconnaître la brosse en très mauvais état au pied du mur côté boulangerie de la résidence. L’autre objet qui lui était lié n’a pas été retrouvé. Je la prends en mains, la tourne dans tous les sens et crois la reconnaître grâce aux couleurs différentes. Premiers indices. 

Je garde la brosse pour un autre usage pour la terrasse et m’en vais m’en procurer une autre.
Ce dimanche, donc, sidérée, perplexe devant le « délit », je me mets à examiner la découpe et découvre que l’ensemble a été scié de manière nette, et précise.
Conclusion : Utilisation d’une scie électrique……

Après réflexion, j’ai gardé le morceau du milieu pour en faire un nouveau corps de balai.

Le ou les coupables sont actuellement activement recherchés par « madame la commissaire Gene » très très agacée de ne pas avoir d’autres éléments dans son dossier. 😉

Capitaine Marleau dans la série sur Fr3

Geneviève 03-11-2017

Jusqu’à dix


Jusqu’à dix.

Une minute
Ce que tu m’as écrit, tu me l’as dit oralement. Voilà que les mots devenaient de la 3D, ère numérique oblige.
Je n’ironise pas, je souris à mes galipettes mentales. Ta voix est douce, presque timide comme la mienne. Et je visualise tes photos.

Deux …..
Tu as des lèvres toutes fines comme les miennes et dans cette finesse, elles cachent ce qu’à la fois je sais et je ne sais pas. C’est là où rentre la magie de ce que nous échangeons.
Je souhaite que cela reste ainsi toi et moi. Ne rien abîmer surtout. Je compte sur nous pour cela.
C’est la raison qui parle là, je le sais, et je te souris tendrement, mon cœur explose là, des mots que je n’ose dire.

Trois …..
Je t’ai écouté, mais pas assez, j’ai encore trop parlé. Pas trop le temps. Celui là il s’évapore comme l’eau de la rosée sur les pétales d’une fleur sous les rayons du soleil.
Quant à mes pensées, peut être les tiennes aussi, de la passionnée que je suis, il valait mieux ne rien dire,surtout pas. L’écrire oui. Les mots auraient pu être trop forts, te faire fuir, ou te faire rougir.

Quatre ……
Et pourtant, de part et d’autre nous pouvons être aussi timides l’un que l’autre, je l’ai entendu et ressenti. Oui c’est surprenant n’est-ce pas et contradictoire de t’écrire que je pourrais être timide. Et pourtant j’ai ressenti ta retenue, suspendue à ton souffle aussi.

Cinq ……
Mon cœur s’est mis à battre lorsque tu m’as murmuré quelques paroles douces rien qu’à nous deux.
Je t’ai parlé de nos jouissances solitaires et celles que tu m’as écrites à maintes reprises, distance oblige, m’ont aussi donné envie là en pleine rue.
Adossée contre les pierres glaciales de la façade d’un immeuble classé, dans ce silence environnant, j’ai écouté la musique de ton cœur qui s’accordait avec la mienne.

Six ……
Quelques banalités aussi, la pluie, le travail, le temps qu’il fait. J’ai fermé les yeux, et j’ai plongé dans la douceur et le cocon de ce que nous vivions au moment présent.
Tant de mots échangés si érotiques et excitants depuis si longtemps.

Sept …..
Je suis si fière de ce que nous réalisons ensemble. Que tu m’accompagnes dans nos délires communs, ces échanges exceptionnels au-delà de tout.
Cette lettre ci venant s’ajouter à la multitude de toutes les autres déjà écrites et envoyées.
Heureusement que le facteur ne traîne pas et que nous vivons à l’ère électronique en temps réel. Etrange comme expression, comme si le temps n’était pas réel.

Huit …..
Je suis fière de garder avec toi la tête sur les épaules, de rester réaliste, car tu es quelqu’un de sage, même si lors de cet échange nous étions en équilibre sur le fil. Il a fallu garder cet équilibre,c’était trop important aussi bien pour toi que pour moi.

Neuf ……
Nous étions tous les deux tout en retenue contenue. Il y avait du soleil, ensemble sur ce fil conducteur, seul lien, dans cette ruelle. Aucune voiture, le monde pour nous deux, rien que là en ce moment.

Dix …..
Je t’embrasse, sur la joue, sur le front, sur le bout du nez. Si tu étais devant moi, c’est ce que je ferais, les yeux tout pétillants en souriant. Si tu oses me prendre dans tes bras, c’est autre chose. Mais non, non, tu serais trop intimidé. Là je nous rassure.
Bien que les pensées partent en vrille, mon ventre se crispe, et les mots deviendraient bien plus brûlants, torrides, les envies venant de nos fantasmes maintes fois exprimés ensemble.

Il est temps de terminer.

Clac.

Ce fut intense, magnifique. Le mois de mai est propice à de beaux instants qui peuvent se compter de un à dix en temps sur mon portable dans ma main qui tremble encore d’émotion.

© G. Oppenhuis - Mai 2011 (aussi pubié sous  Mantille - Petale) :)

Début d’une nouvelle policière non terminée – Bruxelles aux quais

Dans le cadre des ateliers d’écritures sur mon ancien blog filamots, je participais à différents ateliers et dans celui-ci c’était moi-même qui avait donné les sujets, soit des mots imposés pour les trois textes. Certain(es) l’ont lu sur l’ancien blog, désolée pour elles 🙂

Bruxelles – Aux Quais

Il marchait le dos courbé dans la GRISAILLE du matin blême, comme seule peut réserver la capitale Belge à l’aube des premiers jours d’automne.
La pluie fine tombait sur son manteau qu’il avait enfilé à la hâte. Un pardessus tout élimé aussi usé que ses vieilles chaussures « ras-le-bol de ces GODASSES » pensa t-il.

L’homme se dirigeait d’un pas décidé, à longues foulées du haut de son mètre nonante* vers cette INCONNUE avec laquelle il avait rendez-vous.
Le choix du lieu le long du canal tout au nord de la ville avait été sciemment choisi par lui.
Savoir si elle allait oser s’aventurer si tôt dans la matinée dans ce coin assez lugubre lui titillait les neurones. Georges avait préféré ne pas prendre la voiture. Il aimait particulièrement respirer les odeurs matinales qui semblaient purifier et assainir l’air dans ses poumons. Il savait qu’un peu plus tard les FLOTS des voitures de la circulation urbaine pourriraient le tout, pire qu’une cigarette allumée dont il suivrait du regard les volutes bleutées rejoindre celles qui s’évaporaient au-dessus de l’eau.

Elle s’appelait Carole. Trente-cinq ans, de taille moyenne, les yeux bleu-gris, habillée pour la circonstance d’un jean et de baskets, d’une veste noire bien chaude qu’elle ne regrettait pas de porter ce matin là. Elle attendait patiemment, assise dans une voiture citadine l’homme avec lequel elle avait rendez-vous. . Elle se sentait en totale communion avec le MILIEU de ce paysage qui l’entourait. Un sujet important, un rendez-vous à donner froid dans le dos. « Allons, se dit-elle, je ne puis pas tomber dans l’excès, un peu de nerf, ma vieille »

POURSUIVRE l’écriture de son livre parallèlement au travail d’Inspectrice au Commissariat de Ganshoren était un projet très long. L’homme qui la faisait ainsi « poireauter » faisait partie de cette enquête. Elle espérait que ses recherches pour son bouquin aboutiraient.

Elle aperçut dans son rétroviseur une masse sombre, ILLUMINÉE, par un éclairage blafard, approcher son véhicule. Carole redressa le dos du siège conducteur, ouvrit la portière, sortit de la voiture faisant ainsi face à Georges, tout en se souvenant des propos échangés par téléphone la veille.
– Mon prénom est Georges avait-il dit, moins vous en saurez sur moi, plus vous resterez en sécurité. Ces paroles prononcées d’une voix grave, profonde et quelque peu éraillée.
– A mon tour, dit-elle, Carole Van Dries. J’écris en ce moment une fiction. Le chapitre que j’entame concerne le trafic d’organes dans le monde. Au commissariat, un de vos anciens potes, Paul Maas, m’a communiqué votre numéro. J’aurais besoin d’informations concernant ces échanges illicites et la manière d’opérer de ces personnages qui y sont impliquées. D’après lui, vous seriez le seul en ce moment de passage à Bruxelles, à pouvoir me donner quelques pistes à suivre. Je sais qu’ensuite vous partirez pour Berlin.
Cette réponse avait été dite sur un ton trop vif pensait-elle, mais tant pis qui vivra verra se dit-elle.

Carole distinguait l’homme debout face à elle. Ils s’évaluaient mutuellement. Il pouvait avoir aux environs de la cinquantaine, mal rasé, le visage pas très avenant, il allait falloir foncer.
– Bonjour, dit Carole, d’une voix claire, un sourire mitigé au coin des lèvres. Georges ?
– Oui, c’est cela……heu…… salut ……. Carole ?
– Oui ! oui ! Bien entendu, répondit-elle, sûre d’elle-même. C’est Paul Maas qui m’a donné votre numéro. Un sacré personnage ajouta t-elle en souriant. Il m’a dit de vous transmettre les mots suivants : « les VIOLONS riment avec faucon ».

L’homme paru surpris, hésitant, douteux. Pouvait-il lui faire confiance ?

*********

 

CAROLE

Carole appuya sur la commande et verrouilla sa bagnole.

– un café jeune fille ? Georges frissonna. Bigre se dit-il, fait froid ce matin.
– Oui, oui, cela nous réchauffera, il fait un temps sombre et humide ce matin, répondit-elle en soupirant.

Elle resta ensuite SILENCIEUSE, plongée dans ses réflexions concernant ce personnage marchant à ses côtés.
Pouvait-elle lui faire confiance ?

Carole était née dans un milieu où travailler faisait partie de la culture familiale. A la maison guère de FANTAISIES.
Ses parents vivaient comme LOCATAIRES et concierges dans un immeuble d’entrepôts de vêtements pour une grande marque Anglaise. Son père travaillait à l’extérieur.
Il montait chez des clients, des grilles en FER forgé, toutes plus belles les unes que les autres.
Celles-ci devant de magnifiques entrées ou pour des maisons de maîtres situées dans tous les quartiers de la capitale Belge.
Elle avait toujours été proche de son père et une certaine connivente en grandissant à l’adolescence s’était installée entre-eux avant même qu’elle ne rentre à l’école de police.
Elle savait qu’il avait ESPÉRÉ pour elle un autre métier.

Sa maman s’occupait de la gestion de ces vêtements que Carole considérait comme princiers. Elles déambulaient souvent ensemble entre les rayonnages triés et rangés suivant une codification bien précise de la maison-mère, de ces habits de grand luxe.
Carole supportait avec COURAGE le caractère de sa mère. De par ses nombreuses réflexions amères et pénibles qu’elle entendait si souvent, au fil des années, les mots l’avaient BLESSÉE autant qu’à son père. C’est ainsi qu’après avoir terminé son cycle secondaire supérieur en langues modernes et Sciences Économiques, le diplôme en poche, elle prit la décision de rentrer dans le monde de la police, motivée par l’esprit de groupe, d’entraide, de justice. Du moins là avaient été ses pensées de l’époque. Ce n’est pas que la TRANSPARENCE y régnait toujours, mais elle avait creusé son chemin jusqu’à obtenir ce poste d’inspectrice. Elle aimait son métier et surtout son enquête actuelle.

Au cours des années son cœur de femme s’était fermé à tout amour à pouvoir partager avec un homme sur une longue durée, et n’avait que des relations assez courtes d’une moyenne de quatre mois. Elle ne voulait pas s’attacher, après avoir vu ses parents se déchirer si longtemps. Non, elle n’était ni prête ni disponible.

******

Georges

Tout en déambulant à côté de ce qu’il considérait comme un étrange bout de femme, il se demandait pourquoi il hésitait à lui faire confiance. Elle le déroutait un peu.
Paul et lui s’étaient rencontrés encore adolescents lors d’un voyage accompagnés de leurs parents en Irlande. Ils étaient devenus d’excellents amis aux Pays-Bas où ils avaient grandi ensemble dans leur famille respective.
Paul était rentré à la police du port d’Amsterdam, et avait ensuite à trente ans déménagé vers Bruxelles. Il y avait rencontré sa future épouse, et avait demandé sa mutation. Les amis avaient continué à se voir par intermittence.

Georges était le rebelle d’une famille de cinq frères. Son père aurait voulu qu’il prenne la succession de son cabinet médical. C’est ainsi qu’il avait débuté des études de médecine et par la suite abandonné ces cours pour s’inscrire en criminologie. Il y avait trouvé sa voie. Influencé par ses études médicales, il s’était fait une place dans le trafic des stupéfiants chez les jeunes. Quant à son père, il s’était fait une raison. Il aurait préféré pour son fils, un avenir moins hasardeux.

Depuis quelques années le trafic d’organes lors de ses voyages dans différents pays lui avait mis sous le nez ce commerce immonde qu’il voyait croître avec EFFROI. Il avait beau avoir trimballé sa carcasse poussiéreuse sur bien des chemins différents, il ne pouvait guère s’habituer à l’évolution de ces marchés parallèles causés par la pauvreté, le mensonge, et ces coups de POIGNARD dans la déshumanisation totale des COLLECTIONS d’individus entre eux.
Il aimait s’investir et plonger jusqu’au COU dans les côtés les plus sombres de l’être humain.
Ce qu’il préférait ?
DEMENTIR qu’il n’y avait plus une once d’espoir pour sortir ces laissés pour compte au bord de la route de la vie. Il était obstiné et souhaitait faire partie des plans mis en place pour contrer ces trafiquants de tous poils et démanteler ces réseaux.
Il s’infiltrait, disparaissait dans la masse des anonymes. Le matin au lever, il scrutait dans le miroir son visage buriné comme une seconde peau factice. Difficile ainsi de pouvoir faire son AUTOPORTRAIT. Georges se cachait. Cela lui convenait.

Il songea à sa femme Claire qui en avait eu assez de vivre avec un fantôme. Leurs métiers les avaient séparés au lieu des les rapprocher. Elle en connait un sacré bout sur la psychologie des enfants, et de ces blessés de l’existence.
Il se souvenait de leur rencontre en Inde, dans le Kerala à Munnar. Elle prenait du repos, allongée sur un tapis de sol, dans un de ces bateaux-maison qui sillonne la région. Lui, sur une piste de trafiquants d’esclaves sexuels. Entre eux, ce fut le coup de foudre.

Il passa sa langue sur les lèvres essayant de se rappeler le goût de celles de Claire lorsqu’il s’amusait à la taquiner en l’EMBRASSANT.
Il l’aimait encore. Du moins c’est ce qu’il se disait, sans aucune hésitation. Aucune autre femme n’avait réussi à l’intriguer, susciter le moindre intérêt, comme ce qui s’était passé avec sa femme. Ils s’étaient mariés et puis s’étaient séparés, perdus de vue, n’ayant aucun enfant pour encore les rapprocher sporadiquement. Elle avait laissé en lui une trace d’une rare féminité.
Son départ, dans sa vie, lu avait fait perdre le sens des priorités, et ceci pendant de longs mois.
C’est encore Paul, une fois de plus, qui avait donné le coup de pouce à l’HELICE de ses tourments, en le mettant sur la piste du trafic d’organes jusqu’à en avoir la tête qui tourne. C’est ainsi que le temps avait passé.

Et voilà qu’il lui envoyait dans les pattes, un puceron féminin qui croyait peut-être obtenir le prix Goncourt avec une enquête, dont elle ne pourrait pas soutenir le choc.

– Bonjour, je vous sers quoi ce matin ?

*Nonante : quatre-vingt-dix

© Geneviève Oppenhuis 09-2015

La robe rouge

Illustration

Une robe rouge

Vous m’aviez dit qu’il suffisait que je pense très fort à vous pour que la magie opère.
– Venez je vous attends. Le temps n’a aucune emprise sur les amants.

Dans le vide, je ferme les yeux, je tends la main,
– un, deux, trois soleils, serez-vous là lorsque je les ouvrirai ?

Vous parcourez la campagne en quête d’une liberté, celle qui ne sera jamais la nôtre. Et je suis là, à vous attendre. J’ai mis la robe que vous dites tant aimer me voir porter. Elle est rouge comme le sang qui coule dans nos veines et de la soif qui s’alimente de nos rencontres si intenses et trop courtes.

Elle souligne la blancheur de mon cou offert à vos yeux fous de désir, je le sais, je le sens lorsqu’ils se posent sur mes épaules, poursuivent la route sinueuse entre deux pommes rondes et gonflées des odeurs du printemps. Ma main suit ce regard imaginaire, descendant vers le ventre alourdi par les années, les enfants. Et dans le creux de ce mont de Vénus, mes doigts glissent sur la soie et se souviennent des vôtres.

Ils se crispent remontent le tissu, passent entre les chairs humides au souvenir de notre dernière étreinte. Dans cette pièce sans âme et glaciale, mes joues aussi rouges que les escarpins flambent sous le souffle chaud du plaisir.

– Vous verrais-je, si j’ouvre les yeux ?
– Dites-moi oui, dites le moi. Promettez que devant moi vous serez nu ?

Je vous imagine là vous délectant de mes caresses. Vos mains ont pris votre sexe tendu vers moi, impatient de s’approcher et de m’ôter ce dernier rempart carmin qui ne ferait qu’un avec la couleur de ce dôme tentateur.

Les jambes écartées, je chancelle. Mes pétales vous appellent.

– Vous êtes belle comme sur la photo que j’ai de vous,  dit une voix douce et sensuelle.
– Oh ! vous êtes là ! La magie a dit vrai. J’ouvre les yeux.

Vous êtes ému, un peu crispé et dans votre magnificence nudité, c’est vous qui me tendez la main, en cet instant unique.
Je n’ose la prendre. Mon désir est si fort de vous que j’en tremble au bord de la jouissance.
Comme dans mon souvenir, de l’autre main vous vous caressez, rapidement. Des gouttes perlent auxquelles j’ai envie de m’abreuver. Ma bouche se mouille de gourmandise devant ce que vous m’offrez.

Mon roi, je suis votre reine. J’ai revêtu mon apparat de scène, celui de la tentation. Pour vous je deviens indécente, lubrique, salope. Le diable de la luxure s’empare de mes sens.

– Suivez-moi amant terrible, vous pouvez me résister, mais à ma bouche vous succomberez.

Nos mains se touchent, se tâtent, s’attirent. Les yeux dans les yeux, nous savons tous les deux que nous sommes proches de la jouissance. Elle s’impose, force à nous abandonner sur le rebord d’autant de voluptés.

Debout face à votre stature conquérante, je ne puis que vous faire croire que vous êtes le souverain de mon château libertin. Je baisse la tête, esquisse un sourire espérant qu’il vous ait échappé.

Une porte vient de claquer. Je sursaute. Qu’est-ce ? Le vent ?
Non, vous êtes parti comme vous étiez venu. Demain je ne pourrai plus vous reconnaître. Un mirage dans mon cerveau empoisonné par la maladie. Celui de l’oubli.

© Geneviève Oppenhuis – 4 avril 2012
Ecrit également sous le pseudo de pétale.

Maman et les violences subies

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Ce sera bien la première fois que je parle de maman, à ce jour, en ces termes.
A la fois une intense dénonciation, un témoignage pour les femmes qui passeraient lire cet article, et une réconciliation et prise de conscience de moi-même, l’âge aidant vis à vis d’elle. La mémoire fait son chemin. L’amertume, les griefs s’en vont dans une forme de pardon. Je ne sais si c’est ce sentiment là ? A ce niveau je suis quelque peu « handicapée ». Cela ne laisse en rien le fait qu’elle soit devenue la femme manipulatrice qu’elle soit devenue par réaction ? En nous divisant mon frère et moi-même pour mieux « régner » ? Peut-être ? Dans mon univers familial, mes enfants et petits-enfants. Elle fut toutefois une femme bonne, aimante pour les autres ayant le don d’elle-même en tant qu’infirmière. Je puis la qualifier de « sainte » vis-à-vis de son tortionnaire. Syndrome de Stockholm ? Peut-être.

Elle avait une vie sociale différente de la vie familiale.  Une femme de droit, fonctionnelle dans la vie de tous les jours,  très coquette, extravertie, et qui m’a beaucoup appris au niveau de la culture que j’ai acquise grâce à elle, en complément surtout de l’école. Une femme courageuse, dont je n’ai pas du tout partagé les prises de position,  que je lui ai reproché alors que j’avais encore dans la cinquantaine. Le chemin est long pour une forme de compréhension. Cela ne pardonne pas nécessairement tout, comme non assistance en personne en danger, mais elle a fait comme elle pouvait à l’époque en étant une femme sous influence. N’ayant jamais connu cette vie là dans sa famille et ayant été télescopée sur une autre planète, avec mon frère et moi-même. Chacun de ses enfants semble t-il avec des vies vécues intérieures fort différentes. Je n’ai pas fait mieux qu’elle, c’est-à-dire comme j’ai pu aussi, avec les moyens dont je disposais à essayer de se confronter aux problèmes de l’existence. Différences et aussi continuité.

Je pense que les origines sociales, ultra bourgeoise pour maman et rurale pour papa n’ont rien eu à voir dans ce qu’elle et nous avons pu subir. Sauf si papa avait eu des antécédents familiaux, ce que j’ignore.

Les violences physiques et psychologiques en tant que femme.

Le début et quand cela se met en place ? Comme le raconte la femme qui a témoigné hier après-midi sur France2, petit à petit.
A peine sans se rendre compte elle-même de l’isolement imposé, de la jalousie, de l’alcoolisme.

Je me souviens j’avais huit ans. Maman m’a raconté que papa qui travaillait comme second dans la marine marchande ne souhaitait plus continuer ce travail. Il ne voulait plus naviguer, alors que c’était son rêve, son lieu où il aimait être, sa vie.
« Tient donc ! Il avait tellement peur qu’elle aille voir ailleurs dans sa tête d’homme macho que déjà de par cette action, il a fait le premier pas vers cette vie infernale qu’il nous a imposé. » (c’est moi qui le pense)

C’est ainsi qu’il est entré pour faire court dans un garage de mécanique. Il était fortiche dans ce domaine, surtout les moteurs diesel. La suite de son parcours professionnel le démontrera. Installation des moteurs du plan incliné de Ronquières (Belgique) notamment.

Comme il ne naviguait plus, il a commencé à fréquenter le bistrot du coin. Le seul au Nord de Bruxelles, à l’époque encore un petit village. J’avais moins de huit ans. Les enfants lorsqu’ils sont petits ressentent les choses de la vie et lorsque quelque chose ne va pas.  Je me souviens de ma main, ce jour là, dans celle de maman. Nous cherchions papa qui n’était pas encore rentré. Je ressentais la peur. Je ne pouvais rien nommer. Elle ne disait rien. J’étais trop petite. En chemin, à pieds, dans un silence tellement pesant. La trouille au ventre.
Nous l’avons retrouvé dans ce café de quartier. J’ai vu son visage et j’ai vu ses yeux tout petits et tout ronds. La petite fille que j’étais ne trouvait pas cela normal. Maman non plus. « Je raconte cela de cette manière, car son ressenti et le mien ont été en osmose ce jour là »
Rien ne tournait rond. Des ondes m’entouraient. J’avais cette intuition que les êtres sensibles ont qu’il allait se passer quelque chose, mais quoi ? Nous avons grimpé les marches du petit immeuble en rentrant tous les trois.
Je ne me souviens pas si auparavant il buvait ? J’ai oublié.
Nous avions peur. Mon frère ? Il semble ne pas avoir été là. J’ai oublié.
Il a commencé comme d’habitude à titiller maman, à lui chercher des poux dans la tête. L’atmosphère était lourde, comme lorsqu’un orage dans la nature va éclater.

Et c’est là l’espace d’un moment que j’ai vu cette image que je n’oublierai jamais c’est mon père avec le petit couteau de cuisine à éplucher les pommes de terre, le lever au-dessus de maman appuyée contre l’évier de la cuisine. J’ai hurlé et je me suis enfuie au rez-de-chaussée chez la voisine. Je me souviens m’imaginer l’horreur. Le cadavre de maman sur le sol, aux mains de mon père. Je ne voulais pas rentrer chez moi, chez mes parents. Je voulais être ailleurs. Maman est venue me rechercher. J’étais accroupie entre une armoire et un mur. De cela je ne me souviens pas. Bien de mes pensées. Celles de ma maman ? Elle ne les a jamais dites. J’ai jamais demandé non plus. Il était interdit de poser des questions.
Première agression.

Il a continué à boire. En revenant, alors que maman faisait à manger en attendant qu’il entre. J’entendais son pas lourd dans l’entrée et claquant cette porte. Il chantait ce qui n’annonçait rien de bien. Nous sommes alors aux alentours de 1960, j’avais dix ans. Elle le servait et ensuite il balayait d’une seule main cette assiette qui se retrouvait à terre. Je vois encore maman tout ramasser et la nourriture et la vaisselle cassée. Combien de fois n’a t-il pas renouvelé ce geste. Et invariablement maman ramassait et jetait. Sans rien dire. Il criait, il jurait, il invectivait. Nous étions tous dans le silence et dans l’attente que cela cesse.
La vie était ainsi rythmée à la maison le soir, entre ses virées d’alcoolique, les mots qu’ils disaient à maman injurieux. J’ai beaucoup oublié et n’ai retenu pour maman que la suite.
Un jour, il est rentré et lors d’une altercation toujours sous l’emprise de la boisson, il a mis ses mains autour de son cou et il a commencé à l’étrangler. Je regardais immobile, n’osant pas bouger. Impossible, tétanisée par cette horreur. Et la peur au ventre comme lors de la première agression de perdre maman.

Maman s’était « habituée » aux colères de papa. A ces titillement en joutes verbales. Je l’ai vue entamer des monologues interminables pour le calmer, le temporiser, détourner les idées fixes de cet homme et les faire changer dans son esprit tordu. C’était long et maman n’en finissait pas d’essayer de le raisonner. Elle y arrivait, au bout d’une ou de deux heures. J’entendais tout cela.
Deuxième agression

Maman m’a raconté pour une autre, qu’elle avait fait bouillir beaucoup d’eau, à l’époque sans doute pour la lessive. Et qu’il avait voulu prendre ce récipient et jeter le tout sur elle. Elle a pu en réchapper je ne sais plus comment.
Troisième agression.

Les coups, c’est nous qui les recevions au départ. Davantage mon frère, après c’était parfois mon tour. La ceinture pendait à la porte, je me souviens tellement bien. Cela fait très mal, cela brûle. Pas de mots. S’enfuir en pleurant et entendre que c’est une honte les pleurs. Mon frère très rebelle, n’y coupait jamais. Maman à ce moment là se mettait entre lui et mon père et tout s’arrêtait. Étrangement, pour dire qu’il n’y a pas de cohérences, il ne levait pas la ceinture sur maman à ce moment là.
Vivre ainsi est un enfer. Vivre ainsi c’est sous une torture de violences vécues au quotidien.
Lorsque je lui répondais à table, je me souviens avoir reçu à diverses reprises le pot de beurre dans la figure. « maman mettait le beurre dans un ravier en verre avec un couvercle »
J’ai eu moins de coups, mais il a eu sur moi une autre emprise bien pire, physique et psychologique m’enfermant dans un silence de vingt années.

J’ai donc vu maman supporter tout cela. A l’adolescence, je me disputais avec elle en lui demandant pourquoi ne pas le quitter nous aurions été si heureux à trois sans lui ? Elle me répondait qu’elle avait très peur. Qu’elle ne pouvait pas. Qu’il l’avait menacée que si elle faisait une telle chose il nous tuerait tous les trois. Je lui répondais que ce n’était de la part de cet homme que de la lâcheté et qu’il ne ferait rien du tout.  J’en ai beaucoup voulu à maman de ne pas quitter papa. Je ne comprenais pas, comme d’autres faits précédents me concernant. Ce fut entre elle et moi une profonde discorde longue. Aujourd’hui j’aimerais qu’elle soit là pour lui raconter que je comprends pourquoi.
Même devenue adulte, nous en parlions toutes les deux. Elle m’expliquait. Je ne pouvais pas comprendre. J’avais l’intransigeance de mes parents, à ma sauce. L’entêtement aussi. Mes parents avaient tous les deux dans ce domaine la palme d’or. Je sais de qui j’ai hérité dans ce domaine 🙂 Je puis sourire, car cet entêtement me sert aujourd’hui.

Non maman ne pouvait pas le quitter. A l’époque personne pour aider une femme dans cette situation. Alors qu’aujourd’hui, les centres et les associations sont existantes, je me dois de constater que malgré tous ces efforts, combien de femmes meurent sous les coups de leur conjoint ? Je ne parlerai pas des statistiques, je les déteste et ils ne veulent rien dire.

Un jour qu’il revenait saoul à l’appartement, toujours entre mes dix et treize ans, j’étais occupée avec mes cahiers scolaires. Je faisais de la physique, je m’en souviens très bien. Il a pris tous mes cahiers en me disant que l’étude cela ne servait à rien, et il a tout balancé au-travers des deux grandes pièces de plus de quatre mètres de longueur. Au passage, il cassait un objet, puis un autre. Tout valsait autour de nous.
Après l’incident de mes cahiers où je fus encore plus atteinte parce que j’adorais l’école, j’ai pris une décision. Faire quelque chose pour qu’il ne boive plus et avoir la paix. J’ai fait une longue analyse et ma psychiatre m’a dit que là j’avais pris le rôle de maman, courage et résilience.  Lorsqu’elle m’a dit cela concernant maman, je n’ai rien ressenti, fallait que cela change un point c’est tout. Il fallait agir.  C’est une autre histoire.
Pourquoi décider ? Parce que pour moi l’école était un lieu sacré, un refuge où j’apprenais tant de choses. Ma curiosité était satisfaite, j’y avais mes amies, j’apprenais autant que je le pouvais, même si je n’avais pas suffisamment de mémoire. Ce ne fut pas facile. J’ai réussi ma dernière année.

Ensuite, il n’y a plus eu la boisson, mais les mots. En résumé un régime de dictature au quotidien. Plus tard, lorsque la porte de la maison s’ouvrait, je savais que la paix était terminée et qu’il allait falloir composer. Maman à ce moment là et depuis longtemps avait retrouvé du travail.

Les colères incessantes en voyant une émission à la télévision.
Maman m’a raconté aussi qu’en travaillant comme aide-soignante, son dernier travail dans une maison pour personnes âgées dépendant du CPAS, l’équivalent de la CCAS ici en France, elle invitait parfois une copine de travail à la maison. Mon père ce grand pervers mettait la main là où il ne fallait pas à ces femmes qui venaient en visite et ensuite maman devait constater qu’elles ne venaient plus. Elle su par la suite pourquoi. Il les caressait en douce derrière le dos de maman.
Papa isolait ainsi maman dans ses relations amicales. Quant à la famille, celle-ci l’avait rejetée suite à son mariage. Rejet de la part de cette famille « bien pensante » parce qu’elle allait épouser un protestant et qu’elle attendait « famille » (expression belge qui veut dire attendre un bébé). C’était moi.
Il était en instance de divorce. Là j’écris en souriant qu’elle avait cumulé pour déranger cette société à l’ordre bien établi. A l’époque c’était une femme amoureuse. Il n’y avait que mes grands-parents.

Et un jour il a interdit à ma grand-mère de venir le mercredi après-midi pour aider maman dans la couture. A l’époque les chaussettes étaient encore reprisées, les boutons recousus, les ourlets faits etc…. et ma bonne-maman venait que pour cela. A l’époque le temps était déjà à l’économie. Difficile de joindre les deux bouts, même en 1965. Tout cela parce qu’elle était catholique. Ma pauvre bonne-maman, si bonne, aimante, dévouée.
Là maman a tenu bon et n’a pas abandonné. Heureusement pour elle, pour nous.

Et après, les années se sont écoulées. Papa avait dix-huit ans de plus que maman. Il avait été torturé comme résistant politique en Allemagne et portait de graves séquelles aux jambes ce qui en vieillissant se traduisaient par l’apparition d’ulcères variqueux. J’avais environ seize ans, dix-sept ans. Maman travaillait de nuit. Elle rentrait le matin, et ensuite pendant une heure s’occupait de papa pour le soigner comme la bonne infirmière qu’elle était. Avec soin, application pour que ce truc là guérisse. A l’époque deux crèmes, l’une pour l’extérieur de la plaie une autre pour mettre dessus. Je le voyais souffrir et je me disais : « tu as ce que tu mérites ». Je n’ai jamais eu de pitié pour tout cela. Je trouvais maman courageuse, et très sincèrement, je l’admirais pour ce qu’elle faisait à ce tortionnaire. Car il l’était toujours. En paroles. Il devenait trop âgé. A eux deux, par la suite, lorsque nous n’étions plus là avec les parents, maman a mieux vécu. Elle entraînait papa à Ostende. Elle restait sur l’estacade ou bien sur la digue. Papa prenait le bateau pour la journée et partait pêcher pour le plaisir. Ils faisaient ensemble des sorties d’une journée organisée par une société de cars de voyages pour les personnes de tous âges. Ceci à Forest-Bruxelles.

Lors de l’enterrement de papa, j’ai trouvé inadmissible que maman s’écroule alors que mon frère et moi nous tenions son bras de chaque côté. Je ne comprenais pas pourquoi elle pouvait éclater en sanglots. Comme je lui en ai voulu de tout cela.

Aujourd’hui c’est terminé les pensées négatives au sujet des choix d’une femme qui en a subi des choses. Différentes des miennes, moches aussi sous le même toit. Deux femmes différentes.

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© Geneviève O – 25-11-2016

Au cœur de l’ordinateur

Au cœur de l’ordinateur

Je m’étais introduite dans son programme, et j’y avais réussi grâce à mon cheval de Troie.
Entourées de fils et de puces, et à pas retenus, je m’avançais vers le lieu où je pourrais le surprendre, le rencontrer au coeur même de sa création. J’avais franchi le portail.

Les circuits titillaient mes seins que j’avais enveloppés de longs voiles transparents et m’envoyaient de petites décharges qui m’excitaient comme sa main aurait pu le faire. Du moins c’est ce que j’espérais dans mon for intérieur. Car cela faisait si longtemps maintenant que j’attendais alors qu’il ne se manifestait pas ou très peu.

Malgré la rencontre de quelques cascades, sur ce chemin je me trouvais bien seule n’y rencontrant pas un seul chat.

Mon esprit gambadait, je l’imaginais grand, blond, aux yeux bleus, celui qui venait du nord, de la lignée de ces valeureux vikings, braves et courageux, et dont l’entêtement ne reste pas à prouver.

J’avais composé pour lui un merveilleux chant, la partition en tête. Je me sentais sirène. J’irais lui tendre la main, pour l’emmener aussi dans mon monde virtuel, dans le creux de mes propres circuits, le tenter et lui faire boire un breuvage concocté par moi où j’y aurais mis une délicieuse boisson remplie de virus qui lui ferait perdre le contrôle et l’enfiévrer.

J’enjambais, les différentes connexions électroniques, d’un pas souple et allègre. Mon coeur battait la chamade, car j’allais enfin le voir, lui vers qui, grâce à mon mot de passe, je pouvais pénétrer sur ce lieu si particulier, où je confiais via mon clavier, mes secrets les plus intimes, ainsi que mes fantasmes.

Je me trouvais avoir retenu son adresse et franchi la passerelle, très près de son système central.

La rencontre était proche, et bientôt j’imaginais que je pourrais le regarder, lui parler, plonger mes yeux dans les siens, et l’inviter pour une première danse, une java.

Mon corps se collerait contre le sien. Je sentirais toutes les courbes de son anatomie, comme lui sentirait les miennes.

La musique des circuits nous envelopperait et cette danse deviendrait lascive, langoureuse, à la fois virevoltante, et sensuelle. Nos pas seraient synchrones.

Perdue dans mes rêves, j’en oubliais les lieux où je me trouvais. La chaleur y était intense et j’avais très soif. Un serveur de passage me servit une boisson désaltérante. Le personnel laissait souvent à désirer, il le savait mais faisait son possible comme il le pouvait étant donné que certains jours, ce n’étaient pas les allées et venues qui manquaient.

Quelques chats s’étaient présentés à ma vue comme pour me montrer le chemin.

Soudain je me suis retrouvée devant lui, face à face parmi toutes ces données, près de son coeur. J’étais émue de le voir enfin, de le découvrir.

En bon hôte, il m’ouvrit la porte et me fit rentrer.

J’avais enfin, en face de moi, le Webmaster !

Un jour pour m’amuser écrire cette nouvelle sur base de certains termes utilisés en informatique à l’époque.

© 2006-2007 Geneviève.O

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En descendant du train

Je descends du train, accompagné de mon chien et me dirigeai vers la porte de la gare…..

 

Le quai était bondé, et les gens se bousculaient pressés les uns de retrouver un être cher et de pouvoir l’étreindre, les autres s’affairant autour de leur bagage. Mon chien imperturbable devant toute cette agitation me suivait bien docilement. Je le tenais bien en laisse, car je craignais pour lui qu’une personne le blesse par inadvertance d’un coup de bagage, ou de bousculade.

 

J’essayais donc de me frayer un chemin au travers de cette foule bien dense. C’était un jour de grand retour de vacances scolaires d’été. Le soleil ne s’était pas encore couché et l’air m’envoyait encore de doux effluves d’un été qui se termine.

Après avoir traversé ce labyrinthe humain, je me suis enfin retrouvée à l’extérieur de la gare.

Cet ensemble architectural avait été construit au début du siècle, dans le style rural de l’endroit. Peint de jolies couleurs gaies, j’en appréciais que davantage cette présence importante dans mon cadre de vie.

Au lieu de prendre un transport, je décidai de me diriger à pieds vers la maison que j’avais laissée au début de mes vacances.

Comme j’avais un petit creux, j’eus soudainement l’envie de m’arrêter chez la boulangère, où je repris contact avec la réalité de la vie quotidienne.

 

– Bonjour me dit- elle, alors ces vacances comment se sont-elles déroulées ? Et puis elle regarda le chien qui m’accompagnait et ajouta :

– Tient je ne savais pas que vous aviez un chien ?

– Très bien lui répondis-je, en fait, je me suis rendue à la côte pour me reposer et puis comme vous voyez je me suis fait un compagnon bien gentil.

– Ah! me dit elle, paraissant fort intéressée mais surtout curieuse de connaître la suite, vous l’avez reçu, car il n’est plus tout jeune ?

– Non, non ! et en souriant je lui racontai cette rencontre inattendue entre ce chien et moi-même.

– Je me promenais le long de la plage, le soir tombait, l’air était doux, et le monde commençait à s’en aller. Je souhaitais encore me balader le long de l’eau en écoutant le ressac et le bruit des vagues venant mourir sur le sable, lorsque je me suis aperçue que trottait à côté de moi un chien venu de nulle part et qui l’air de rien m’accompagnant là,  au moment où le soir tombe.

Je m’étais dit que son maître ne devait pas être bien loin et je continuais perdue dans mes pensées.

Et puis il a fallu rentrer. Le chien ne me quittait pas accroché à mes pas.

Je ne voyais personne à l’horizon qui aurait pu se prétendre être son propriétaire et je suis donc rentrée chez moi accompagnée de l’animal. Depuis lors, et après quelques recherches demeurées infructueuses, il ne m’a plus quittée. Alors vous voyez les vacances en solitaire que je m’étais octroyées et bien voilà j’ai eu de la compagnie, oh ! combien agréable.

– Bien ! me répondit elle avec un sourire, et comment l’avez vous appelé ?

– Sable ai-je répondu avec un sourire entendu, en souvenir de l’endroit où lui m’a trouvée.

Le chien pendant cette conversation attendait patiemment assis sur son postérieur notre conversation ma foi bien futile, mais il fallait bien renouer le contact.

Je m’enquis des derniers potins du village et dit au revoir à la boulangère.

 

Je pris le chemin qui montait légèrement sur le côté de la place. En passant devant la fontaine, Sable se mit à boire dans les quelques flaques auprès de la bordure de pierre.

Le sentier était pentu, et mon compagnon ne semblait guère vouloir m’accompagner aussi vite que je l’aurais souhaité. Mes bagages pesaient lourds. Les odeurs du soir venaient me chatouiller les narines et je voyais que Sable s’en donnait à cœur joie de courir après les insectes, les papillons qui profitaient encore de la tiédeur de la soirée.

Tout en haut se trouvait mon logis. Quelqu’un m’y attendait, malade. Je lui rapportais de bonnes nouvelles et aussi un nouveau compagnon pour égayer ses journées.

J’introduisis la clé dans la serrure et libérai l’animal joyeux.

Il trottina dans la maison et se dirigea immédiatement vers le lit qui se trouvait dans la salle à manger pour aller renifler la main déposée sur le drap de lit. Sable agita la queue de contentement et fit connaissance avec l’autre occupant de la maison. C’est alors seulement que mon compagnon m’accueillit avec un sourire lumineux où se reflétait tout l’amour du monde.

Texte écrit en atelier aux environs de 2005. – filamots – brindille33 – Geneviève

 

Illustration : Cartes Postales de Jacques Bonnet

 

Tant de temps + toute petite pause

TANT DE TEMPS

Déjà 17 heures. Je pense à la chanson de Jacques Dutronc. Bruxelles ne s’éveille pas. Je quitte mon univers bureaucratique étriqué, comme un fœtus sort du ventre de sa mère lorsque le temps est arrivé à son terme.

Vendredi, fin de semaine. Un jour comme un autre. Et pourtant non, chose étonnante ce soir, le soleil brille de mille feux. Une belle journée printanière qui se termine.

Je prends ma veste dans la penderie, devenue trop chaude pour la saison, tant pis, il faudra bien que je la mette, car ici le temps peut changer d’un jour à l’autre si rapidement. Aujourd’hui 17° demain 11°. J’ai appris à l’école, que nous vivions sous un climat tempéré. Quel drôle de terme pour ce pays, où les températures montent et descendent comme des montagnes russes. Le climat dit-on est déréglé. Mais peu importe, la veste sur le dos, le bureau pas trop mal rangé, je m’éloigne de cet endroit plein de papiers et de mauvaises odeurs, pour fermer le temps de deux journées complètes, la porte à clef de cet endroit où le vampire patron, m’a sucé toute mon énergie.

 

Je descends presque en sautillant les marches recouvertes d’un tapis usagé que tant de pas ont déjà foulé, et où je manque de m’étaler sur une seule marche qui me fait un croc en jambe, histoire d’un peu corser ma sortie de ce soir. J’injurie tout bas ce bout de tissus épais qui, une fois de plus a failli me faire tomber.

Je m’empresse de sortir. Le tram, cette fois ci je ne souhaite pas le rater.
L’arrêt est à deux pas.

Les poubelles ont été sorties la veille au soir et elles jonchent encore le trottoir, étalées devant moi, quitte à les enjamber une fois sur deux. Des cartons par-ci, d’autres sacs plastiques par-là, bien fermés et réglementés par Bruxelles-Propreté. Je me demande en voyant tout cela où se trouve la propreté. Elle a dû se perdre dans les nombreux formulaires sortis, pour l’occasion de la nouvelle réglementation.

 

L’atmosphère tend vers la clarté. Je regarde les arbres autour de moi, remplis de petites feuilles toutes nouvelles, qui commencent à pousser d’un vert si tendre, que je les mangerais et en ferais une excellente salade. Je ris de ma comparaison ridicule. Plongée dans mes réflexions, j’oublie les arbres et vais m’asseoir sur le banc de l’abri, afin d’attendre ce tram avec tellement d’impatience. La maison m’attend et le repos aussi. Mais non que dis-je ? Quel repos ? Encore tant de choses à faire !!!!

 

17h10 le transport en commun ne saura tarder. Une dame assise à côté de moi, vêtue de vêtements sombres, secoue autour de ses doigts les clefs de sa maison ou de son appartement. Je ne connais rien d’elle et pourtant nous sommes là côte à côte et trouve ridicule de ne pas nous parler, parce que notre éducation ne l’a pas permise.

Je regarde devant moi les yeux dans le vague, la verdure entre les rails. Cette herbe, une nouvelle expérience pour l’environnement de la région, histoire d’enjoliver ces deux barres parallèles qui montent vers le parc situé en haut de la chaussée, cette herbe si tendre, si verte, apparemment immaculée.

 

Un homme accompagné de son chien passe devant moi. Je me dis que la promenade doit bien être difficile, pour devoir ainsi sillonner entre les crottes laissées par d’autres animaux de compagnie passés avant le sien qu’il traîne derrière lui sans aucun entrain ! J’oublie mes pensées et je me laisse aller à savourer ces instants avec beaucoup de bonheur. Le soleil darde ses rayons sur mes jambes allongées dans un abandon total à la chaleur de cette fin de journée.

 

Je sens monter en moi une énergie incroyable, une joie exquise, c’est le printemps et je sens ce renouveau couler dans mes veines, cette sève qui monte aussi en moi sous forme de projets, d’exaltation passagère. Une brise légère vient me chatouiller le bout du nez. Je souris ce soir à la vie, pour cet astre qui la donne sur notre terre.

Je respire l’air qui passe. L’odeur est légère, malgré les automobiles qui circulent, aussi bien celles qui montent la chaussée, que celles qui la descendent. Que de pollutions et pourtant, je respire, je sens, je hume l’odeur des arbres, et je parviens à détecter au-travers de toutes ces senteurs diverses, quelque chose de respirable, de bon, de délicieux à humer. Je prends ce que je peux, car l’endroit n’est guère propice, mais l’instant est merveilleux.

Je me tourne vers la dame toujours assise à côté de moi et nous parlons pendant quelques secondes de ce beau temps.

 

Le tram 18 qui nous amènera à notre destination doit bientôt arriver, c’est bientôt l’heure, tient-le voilà ! Il arrive. Mes yeux scrutent l’horizon, l’arrivée tant attendue de ce transport.

Et puis déconfiture, il s’agit d’un « hors service ». La dame souhaite monter, mais les portes ne s’ouvrent pas, forcément, ce n’est pas le bon ! Je lui signale qu’il est encore trop tôt.

Nous sommes là assises, complices dans l’attente, silencieuses. Je profite toujours des feuilles, du ciel, de la chaleur sur mes jambes, un moment privilégié, un bonheur qui passe, quelques moments fugitifs.

 

17h15, il est en retard de 2 minutes, c’est normal, la ligne est fort fréquentée, et en plus il vient du centre et se dirige vers la direction « Silence » où se situe son terminus. Pourquoi Silence, car là se trouve un cimetière hors de la ville. Cela dût être d’actualité il y a bien longtemps, maintenant le lieu-dit « Silence », n’est plus aussi silencieux qu’autrefois. Un quartier est venu s’y ajouter. La circulation y est intense, elle se dirige vers une autre agglomération importante. Une autre ligne de tram y passe aussi et prend une direction différente. Un véritable carrefour cet endroit où reposent ceux ou celles qui ont terminé leur parcours sur terre.

Je consulte ma montre, mais nom d’un chien quand va t’il donc arriver ce foutu tram. Il a déjà 2 minutes de retard.

Puis le miracle s’accomplit, l’attente se termine.

Le voilà le long d’un quai construit en plein air, à l’arrêt. Mais les portes restent ostensiblement fermées. Le conducteur se lève les vérifie. Pas moyen de monter, il va encore falloir attendre. Je subis ce contre temps avec patience, il fait si beau.

Il reste à l’arrêt, il est en panne.

© Geneviève O. Mai 2004

Totalement autobiographique, avant que je ne vienne habiter à Bordeaux en mai 2004. Quant à la sortie du boulot, j’ai dû donner mon préavis avant mon mariage et mon voyage vers la France 🙂 Le tram n’est plus le même et ne porte même plus le même numéro. Tout a bien changé depuis cette date. 🙂

La bâtisse – Atmosphère

Atmosphère

 

La demeure se dressait devant elle, hostile.

Son bagage à la main, Fanchon accompagnée de sa mère se rendait pour les vacances de Pâques dans cet endroit qu’elle découvrait les yeux écarquillés de stupeur.

C’était la première fois qu’elle y venait et aussi paradoxal que celui puisse paraître elle frissonna malgré la température clémente.

Elle savait que sa mère avait fait bien des sacrifices pour payer à son frère ainsi qu’à elle-même, ce séjour de quinze jours.

La maison parut grande pour ses yeux de petite fille de dix ans. Les pierres grises et austères ne l’attiraient pas. Elle préférait la lumière, la beauté, les fleurs, les grandes pelouses vertes, les arbustes.

Autour d’elle, s’élançaient de grands conifères, tout droit dressés, en rang d’oignons, imposants, d’un vert sombre, seul au détour d’un chemin, un grand saule apportait un peu de couleur dans cette atmosphère pesante. Ses longues branches effilées buvaient l’eau de l’étang, à la gauche de l’immense entrée.

Un escalier de pierre à gravir. Son frère Jean ne disait mot. Pour Fanchon c’était normal, ils ne communiquaient guère, ils n’avaient pas les mêmes centres d’intérêts. Il était encore trop petit. Ce dernier, le corps atteint par la maladie, montrait un visage crispé et émacié. Il avait des ganglions aux poumons, et devait pour sa santé avoir un séjour à la mer du Nord, pour bénéficier de l’iode et du bon air tant reconnu par les spécialistes de l’époque. C’est ainsi que malgré elle, les vacances avaient été programmées pour tous les deux.

Fanchon regrettait d’être embarquée dans une pareille aventure, mais elle n’avait pas le droit à la parole, ne pouvait que se taire, obéir, en attendant la suite des évènements. Cela ne se fit pas attendre. Une sœur ouvrit la porte, sérieuse, une coiffe à cornettes lui entourant le visage, et cachant les cheveux.

Elle nous fit entrer et nous guida vers son bureau. Une bibliothèque, un bureau, du carrelage, le tout brillant de propreté.

Sœur Eméralda prit les formulaires, les relut puis les rendit à notre mère pour accord et signature.

Fanchon, assise, attendait. Qu’allait-il se passer maintenant? Elle avait peur de cet endroit. D’instinct, elle n’avait pas envie d’y rester, mais que pouvait elle y faire ? Rien du tout.

Puis, leur mère les embrassa, après des dizaines de recommandations, tant aux enfants qu’à la mère supérieure. Cette dernière les mains dans les longues manches noires, reconduisit maman à la porte, nous laissant mon frère et moi seuls. Lui, dont les jambes se balançaient sous la chaise d’une manière si insouciante pensait Fanchon.

Lorsque la sœur revint, elle les conduisit au dortoir, chacun le sien. Un côté pour les garçons, un autre pour les filles. Des sortes de petites chambrées, bien rangées et protégées par un grand rideau blanc, une petite armoire pour les effets personnels, un broc et un récipient de couleur pour se débarbouiller le matin et le soir.

A la maison c’était pareil, pas de salle de bains, c’était pour les riches. Et la toilette se faisait dans la cuisine, dans une bassine en plastique prévue à cet effet.

Fanchon s’assit sur le lit, toute tourneboulée, prête à pleurer de solitude devant l’inconnu. La peur la reprenait.

Ses jambes ne touchaient pas le sol. Derrière le rideau ouvert, elle apercevait une fenêtre à la vitre blanchie. Pas de regards indiscrets surtout, c’était normal pour un dortoir.

Elle eut soudain envie de s’enfuir, de courir à perdre haleine, de rattraper sa mère, de rentrer chez elle. Mais il était déjà trop tard, elle devait déjà se trouver bien loin, il commençait à faire nuit.

Une autre sœur habillée d’une longue robe brune vint la chercher pour la conduire au réfectoire.

Il y régnait un grand silence. Personne ne bougeait. Elle se laissa conduire à une place libre entre deux autres filles qu’elle n’osa pas regarder.

Ce fut alors la prière, ce que Fanchon connaissait fort heureusement. Elle n’aimait pas les sœurs, se moquait de tout cela, mais se soumettait à la volonté de sa mère qui voulait faire d’elle une bonne chrétienne.

C’est sans atermoiement, qu’elle mit les poignets sur la table comme on le lui avait appris. Le repas l’attendait.

Dans une encoignure de cette grande salle, toute carrelée, trônait une statue de la Vierge Marie. Au-dessus de la porte, un crucifix. Pas de plantes, ni de fleurs, le dénuement le plus total. Elle détestait ce vide monacal. Un espace sans âme, et pour elle sans humanité et sans cœur. Il n’était pas permis de parler, il fallait attendre l’autorisation de la sœur surveillante plantée entre les deux rangées de table. Rien n’échappait à son regard acéré, vif et empreint d’aucune bienveillance.

Après le repas, elle avait écouté avec les autres la météo du lendemain. Ils iraient à la plage. Il ne devrait pas pleuvoir.

Après avoir participé à débarrasser la table, elle accompagna les autres pour une courte récréation où un peu trop timide, elle n’osa adresser la parole à personne. Elle regardait autour d’elle et vit un petit groupe de filles sauter à la corde et un autre jouer à la marelle. Elle aimait les deux. Elle s’approcha pour regarder, c’est tout.

Un claquement des mains, il était temps de monter pour aller se coucher. Comme il faisait encore froid en cette saison, un poêle brûlait au milieu du dortoir. Elle en avait vu la couleur du charbon rougeoyant au-travers des interstices. C’était rassurant, comme à la maison.

Cependant elle avait froid, et ne souhaitait que s’enfoncer sous les couvertures pour dormir et oublier cette arrivée en ces lieux inconnus.

Après s’être lavé les dents, avoir mis sa chemise de nuit, elle s’était glissée sous les draps glacés, propres et amidonnés.

Après toutes ses émotions, elle finit par s’endormir rapidement.

 

Au milieu de la nuit, elle fut réveillée brusquement par l’alarme du bâtiment. Elle se sentait endolorie, avait si sommeil et ne demandait qu’une seule chose : dormir encore. Mais rien à faire, une sœur la secouait de toutes ses forces, elle devait se réveiller et ne pas se rendormir. Elle devait se lever et sortir à toute vitesse du dortoir. Elle observait comme dans un rêve des sœurs qui courraient dans tous les sens, ouvraient les rideaux des petites cellules. Elle ne comprenait pas ce qui arrivait. Elle voyait des hommes en habits étranges. Envie de dormir encore !

J’ai sommeil dit-elle à la sœur qui la tira hors de la pièce.

Fanchon entendit vaguement des mots sans suite : charbon…..cheminée….poêle ….carbone…..danger….vite….. !!!! Elle ne comprenait pas ce qui se passait. On la fit respirer dans une forme d’entonnoir pendant un long moment, puis ce fut le tour des autres filles de son âge. Elle se retrouva dans un groupe, pieds nus en chemise de nuit.

Bien plus tard, la sœur supérieure leur expliqua qu’un accident s’était produit quelque part dans la maison, mais qu’il n’y avait plus rien à craindre, que le danger était passé. Elle n’avait donné aucune autre explication.

Tous les pensionnaires furent transférés dans un autre dortoir de fortune, où il régnait un froid glacial, mais où ils étaient en sécurité.

Fanchon se dit que sa mère avait vraiment eu une très mauvaise idée de l’avoir emmenée avec son frère dans cet endroit horrible.

Pour cette première nuit, elle s’en souviendrait toute sa vie.

Toutefois, elle sourit et se dit : Vivement demain la plage et plongea dans des rêves de petite fille.
© Geneviève O. (brindille33-filamots)  28 août 2010

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Texte écrit pour un atelier.